Peinture de chevalet et société maghrébine (4)

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d) Technique neutralisée et expression authentique

Cette attitude conciliatrice qui « promet » aux Arabes le progrès dans la continuité et la « sauvegarde » de l’identité est, en fait, l’aboutissement normal de la vision formaliste. EIle serait même son expression la plus achevée, la plus confortable et la plus pernicieuse.

Etant donné son caractère positiviste, elle se révèle à l’analyse, comme étant celle qui entretient, dans les esprits, le maximum de confusion (qu »elle partage avec les autres approches que l’on vient d’évoquer). Mais cette approche, par ses prétentions à l’explication objective, scientifique et rationnelle, peut faire croire, à celui qui l’adopte, qu’il lui est possible de produire l’histoire, en procédant par la reproduction-reconduction arbitraire de moments historiques, passés et présents, élaborés par ses Autres que sont, son ancêtre et le vis-à-vis, technologiquement plus avancé. Cette vision de l’ Histoire , vécue, d’une manière fantasmée, sous les auspices de ce double emprunt, a pour conséquence, d’empêcher l’émergence vitale du sens de l’initiative .Cette situation de dichotomie profonde amène,nécessairement, à une sorte d’escamotage de l’identité créatrice, capable, quant à elle, de produire son universalité propre,sans recourir à celles de ses Autres, toute deux sacralisées.La sacralisation de l’universalité de l’ancêtre se fait par la revendication glorificatrice de sa dimension   historique passée et celle du vis-à-vis contemporain se fait par la reconnaissance, obligée, de sa domination technologique et culturelle de fait.

Pour toutes ces raisons nous allons procéder plus longuement à son analyse et ce, par la présentation de la théorie de l’un de ses plus grands représentants: Jacques BERQUE. Les écrits de ce sociologue orientaliste français, par le caractère subtile et les bonnes intentions à l’égard des arabes, dont ils font montre, bénéficient d’une large audience auprès d’une majorité importante d’intellectuels arabes, critiques, théoriciens de l’art et artistes. Le présupposé positiviste de ces écrits permet de rallier aussi bien ceux qui se déclarent confiants dans le modèle de développement occidental que ceux qui en font apparemment la critique, à travers une approche marxiste dogmatique et orthodoxe. Continuant l’approche positiviste de l’époque coloniale, BERQUE, pose comme postulat indiscutable que la peinture occidentale est une technique, considéreé par lui comme neutre, (et en cela il est moins franc que les gouverneurs d’Algérie qui reconnaissaient le caractère « idéologique » de cette technique) que les artistes arabes sont obligés d’adopter et ce pour des raisons historiques indépendantes de leur volonté.

L’approche de BERQUE puise sa subtilité dans le fait qu’elle se présente comme étant issue d’une lecture sociologique et « réaliste » des aspects multiples et variés de la culture arabe d’aujourd’hui. En tant que telle, elle commence par opérer un glissement, assez intéressant il est vrai, qui libère la question de l’existence même de la peinture arabe, du cadre de la théologie, dans lequel les orientalistes depuis le XIXème siècle, l’avaient emprisonnée. Un déplacement qui consiste à traiter le problème de la « figuration, » non pas en termes d’interdit religieux (auquel les artistes auraient opposé une attitude de transgression de l’éthique sunnite), mais plutôt en faisant appel à une théorie des besoins et nécessités historiques de le société arabe elle-même[1].

Ces besoins sont exprimés par le sociologue français en ces termes: « L’essor actuel de la peinture chez les Arabes (…) consiste simplement dans une sollicitation du visible par une technique importé, au moment ou ce visible, chez les Arabes, conquiert plus d’exigences ».[2]. Ensuite constatant que « heureusement la plupart des grands peintres, y compris celui qui fût, dit-on, l’un des inventeurs et théoriciens de le perspective, furent grands peintres plutôt en dépit d’elle que grâce à ses vertus », BERQUE explique ce phénomène par le fait que « L’oeuvre procédait d’une dialectique entre l’initiative de l’artiste et le monde tel que désormais l’Europe occidental le voyait, le pratiquait et le dominait »[3].

N’allons pas plus loin, pour le moment, et essayons de clarifier le sens de cette approche en explicitant ses sous-entendus, qui lui servent de légitimation théorique.

Nous constatons qu’en libérant la question de la peinture arabe du champ de la théologie religieuse sunnite, à laquelle elle était souvent associée jusqu’ici, cette approche la situe dans un cadre, lui aussi, théologique, celui qui participe d’une vision évolutionniste de l’histoire des sociétés et qui prend pour modèle celle de l’Europe occidentale, instituée ici comme la résultante de l’évolution plus ou moins marquée des sociétés humaines en général. Du coup on retombe dans un fatalisme, qui présente le fait accompli comme inéluctable, et l’idéologie dominante (et de domination) comme unique histoire possible, en face de laquelle on ne peut que se poser des questions d’ordre métaphysique. Des questions qui laissent l’intellectuel arabe contemporain perplexe devant des choix contradictoires auxquels il ne peut se résoudre sans recourir, à travers une approche formaliste de l’histoire, à la dichotomie de l’ouverture et de l’authenticité.

C’est du moins ce que sous-entend l’allusion faite par BERQUE à ce visible qui, « chez les Arabes conquiert plus d’exigences ». Car que signifie cette phrase, sinon qu’à l’étape actuelle de leur développement, les peuples arabes commencent, à leur tour, à prendre en considération la réalité, et à accéder, par la même, à l’âge « positif ». Comme on le voit, faire acte de réalisme, selon cette théorie, équivaut à une sorte d’adaptation, dans le but de rattraper le temps perdu.

La présence de cette pensée théologique se reconnaît également, dans l’explication que BERQUE donne à l’apparition des grandes oeuvres occidentales de l’époque de la Renaissance. Aucune allusion n’y est faite à la création artistique en tant que travail concret. Celle-ci est présentée comme une sorte d’échange « dialectique entre l’initiative (?) de l’artiste et le monde dominé par l’homme occidental ».

Mais la subtilité de l’approche transparaît clairement dans la « dramatisation » de la situation, déjà « tragique », de l’artiste arabe contemporain. Cette subtilité consiste à devancer la critique et à pousser plus loin le questionnement métaphysique de l’Histoire.

« L’individualisme romantique »[4], écrit BERQUE, « la recherche formelle[5] peuvent contrarier l’élan communautaire. Ce dernier à son tour peut prendre les figures les plus opposées: spontanéisme aux naïvetés plus ou moins voulues, schématisme idéologique et même didactique ».

Considérant l’éventualité du fait que la technique pourrait être la véritable créatrice du message, plutôt que seulement son outil et son véhicule, il fait remarquer qu’on ne peut « avouer cela » sans condamner l’artiste à s’exclure du « devenir national ». Proscrire l’anecdote, ou le sujet, ou le motif, proclamer ou mettre en pratique que l’art du tableau réside ailleurs (?) (L’interrogation est émise par nous), tout cela s’impose aujourd’hui comme un postulat de la création artistique… Mais il est dur et peut être impossible pour l’artiste de renoncer au dialogue avec l’histoire de son pays »[6].

Ce qui ressort de ce questionnement, sur fond de pathétique, à propos de cette situation insoutenable à laquelle est confronté le peintre arabe contemporain, c’est cette volonté de non intervention sur un réel dont le sociologue se contente, apparemment, d’en être seulement l’observateur perspicace.

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Peintures de Mohamed Khadda (Algérie), Ahmed Cherqaoui (Maroc) et Néjib Belkhodja (Tunisie)

 

Attitude objective, pourrait-on dire, à partir de laquelle on s’interdit de juger et d’évaluer. Après tout, c’est aux peintres arabes eux-mêmes de trancher et de trouver la lucidité nécessaire qui leur permettrait d’éviter les faux problèmes, qu’ils peuvent se poser. C’est pourquoi BERQUE, établissant le constat de la polémique qui avait secoué la vie artistique à Tunis, au début des années soixante, se permet légitimement de renvoyer dos à dos les tenants de « l’universalisme de la peinture abstraite » et les héritiers de la « peinture figurative » de l’époque coloniale.

Mais l’on ne peut arbitrer sans juger, et souvent le sociologue se retrouve critique d’art, et sous couvert d’analyse scientifique à laquelle on additionne sa sympathie pour les Arabes, on introduit discrètement l’idéologie. Et l’on est en droit de se demander s’il ne s’agit pas en fait de la logique même de la démarche formaliste qui fait que BERQUE serait, dans ces conditions, le continuateur de BARRUCAND[7].

Référons nous au texte, afin de mieux saisir, à travers la connotation des mots, la nature du discours et par la même celle de l’observation et de l’arbitrage.

« Dès I960, l’abstraction se répandit, sans rallier cependant tous les artistes: ainsi le regretté CHERQAOUI (Maroc), tandis que l’Algérien BENANTEUR peint son pays avec sa mémoire. Alors quoi! Pour faire une peinture véritablement maghrébine, il faudrait passer par KLEE, BRAQUE, ou JACKSON POLLOCK? Il n’est que trop vrai! Sur le marché de la peinture à tout le moins, le snobisme est roi. Il vous rallie en définitive à l’establishment. Mais inversement, sous couleur de vérité locale, faudra-t-il se vouloir pseudo transparence à l’égard du pays, de ses paysages, de ses hommes et de ses problèmes? Cette sincérité, ou simplicité, n’est-elle pas, en fait hypocrite asservissement à ce que l’autre veut que vous soyez, ou veut que vous croyiez être? En un mot, n’allez vous pas sous prétexte d’exactitude, devenir un « harki » de la peinture métropolitaine? C’est en ces ternes injurieux, mais expressifs qu’un groupe de peintres tunisiens, férus de communication mondiale, c’est à dire d’expressions issues du marché de la peinture étrangère flétrissaient leurs compatriotes demeurés fidèles à la description. Ne nous hâtons pas de donner raison à l’un ou à l’autre. L’aliénation menace d’un côté comme de l’autre. Seul le talent départage. Mais ce talent est justiciable de demain »[8].

Signalons tout d’abord, qu’étant donné que nous avons vécu personnellement cette « polémique » à laquelle fait allusion le texte de BERQUE, en y participant, aussi bien par la peinture que par l’écriture[9], nous nous permettons de situer le problème dans son contexte particulier et tel qu’il a été vécu de l’intérieur.

Au-delà de ce que pourrait laisser entendre la lecture des textes de Mohamed AZIZA[10] et de Jean-Jacques LEVEQUE,[11] auxquels semble se référer le sociologue, le choix en question n’était pas dans la préférence du ralliement à l’abstraction « internationale » ou bien celle de « demeurer fidèle à la description ».

Ensuite, le terme « harki » (de la peinture métropolitaine) n’a pas été prononcé à « l’encontre des peintres demeurés fidèles à la figuration par les tenants de l’abstrait ». Bien au contraire, ces derniers reprochaient à leurs aînés de continuer la ligne de la peinture coloniale, et ce sont les figuratifs folklorisants qui ont, alors, accusé les « abstraits » d’être des « harkis » à la solde de la peinture occidentale contemporaine. Le texte d’AZIZA peut d’ailleurs en témoigner.

« … Voici qu’en Tunisie, cinq peintres veulent vivre leur temps en plus de leur pays, de la nature, de leur entourage et de leur milieu. Voici qu’en Tunisie, cinq peintres refusent les facilités d’un folklorisme de pacotille, les tentations du typique et optent pour la difficulté de la confrontation et les risques de l’ouverture. Voici ici présentées, les oeuvres de cinq peintres unis dans et par l’aventure créatrice soucieux d’invention, passionnés de recherches, jamais sûrs, toujours possédés par la sainte angoisse, détestant par dessus tout l’immobilisme et le commerce. » [12]

Ce qui se dessinait alors, et qui sera précisé quelques années plus tard, n’est pas une sorte de concurrence entre les tenants de deux tendances artistiques, toutes deux d’essence occidentales où l’aliénation « frappe d’un coté comme de l’autre ». Ce qui était en jeu c’était le statut même de la peinture au sein de la société maghrébine nouvellement indépendante, ainsi que le dépassement des séquelles de la culture héritée de l’époque coloniale, fraîchement « nationalisée ». En tant que sociologue, ayant vécu longtemps au Maghreb, BERQUE aurait pu se rendre compte que le problème résidait dans la nature aliénante de l’activité picturale telle qu’elle a été léguée par le colon. Il a préféré se taire en constatant « l’impasse » et de renvoyer la solution du problème au jour où apparaîtra sur la terre maghrébine « le talent » « justiciable de demain »

L’évocation du « talent » nous ramène au texte. Le formalisme de cette approche se reconnaît à la manière à travers laquelle BERQUE perçoit la peinture abstraite « comme geste de l’artiste redevenu sa propre fin, » et auquel il réduit la peinture de Ahmed CHERQAOUI[13] qu’il rapproche de celle de Klee[14]. Or comme le montreront plus tard, Abdelkébir KHATIBI et Edmond AMARAN EL MALEH, rien n’est moins sûr que cette filiation apparente, entre un artiste de culture germanique, qui a son histoire propre et ses données matérielles spécifiques et un autre, maghrébin de culture populaire marocaine et musulmane qui, après avoir été à l’Ecole de l’Occident, pratiquait la peinture, à la base d’une éthique qui lui était propre.

Est formaliste aussi la confusion entre l’idéologie coloniale, matérialisée par la peinture « folklorisante » relevant du pittoresque, avec le réalisme occidental, présenté ici comme relevant d’une fidélité à la « description »[15]. Ainsi le formalisme se retrouve aussi bien dans une certaine grille de lecture de la peinture en général, que dans le rôle qui lui est attribuée. Encore une fois, nous nous retrouvons devant cette filiation normale entre le formalisme de la pensée et l’égocentrisme propre à la vision occidentale bourgeoise, qui « ramène le divers à sa dimension particulière et tend à sa liquidation dans le monde », selon la formule même de BERQUE (dont il a usée dans son livre, « Dépossession du monde, en évoquent l’impérialisme culturel de l’Occident).

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, cette approche opère une séparation entre une technique considérée comme acquise, ou bien à acquérir auprès de l’Occident, et un contenu intentionnel que l’on voudrait,à la fois, nouveau et authentique. Ceci a été exprimé à plusieurs reprises par le sociologue français. Or c’est là le propre de la pensée positiviste dont le matérialisme dé-spiritualisé s’accommode bien de sa conciliation irrationnelle avec le spiritualisme dé- matérialisé.( par le biais du coup de force thomiste comme dirait HORKHEIMER) La conséquence de cette idée est une réduction du monde matériel qui devient construction abstraite,puisqu’il tombe sous l’emprise d’une raison instrumentalisée,livrée à elle-même et une matérialisation chosifiante du spirituel qui devient objet et moyen de réalisation du salut individuel.

Dans ce cas précis, 1’abstraction du réel amène BERQUE à qualifier la technique importée de « moderne », « traditionnelle », « étrangère » ou bien « internationale ». Des termes qui font allusion à une certaine conception du monde qui confond la technique des techniciens avec celle de l’art. Et quand elle s’étend au domaine de la culture, l’opération de « transfert technologique », se transforme en continuation de l’hégémonie idéologique, dont le grand perdant est l’homme qu’il soit arabe ou occidental. Car, dans cette situation d’hégémonie, « l’aliénation frappe d’un coté comme de l’autre » pour reprendre les termes appliqués par BERQUE, seulement aux peintres arabes

Considérer la technique, « artistique », comme un savoir neutre que l’on peut acquérir dans une école ou une académie consiste aussi à la confondre avec le savoir connu, la recette et la tradition. Et la tradition s’appelle ici « académismes » de tous genres: classicisme, impressionnisme, cubisme, surréalisme, abstraction lyrique, expressionnisme « figuratif » et « abstrait », nouveau réalisme etc. Toutes ces appellations désignent, non pas un art entrain de se faire, mais plutôt une sorte de répétition « à vide » qui condamne le peintre arabe à l’absence à l’histoire et à l’ignorance de soi.

La technique d’emprunt, quand elle s’appelle moyen de re-présentation et « description » impose, comme toute méthode d’approche du réel issue du positivisme, non pas son contenu, mais plutôt celui qu’elle représente en tant que telle. En termes d’art cela désigne également un procédé, une recette, un académisme. L’authenticité proprement arabe qu’elle va informer et mettre en valeur, ressemblera comme une soeur jumelle à celle, revendiquée il y a plus de cinquante ans, par les colons d’Afrique du Nord dont BARRUCAND était un des porte-paroles. Ceux-là aussi, avaient confondu la création artistique avec l’exploitation technique de la terre. Cette « âme » arabe, qu’avaient voulu exprimer, aussi bien les artistes maghrébins que leurs prédécesseurs européens a été l’objet d’une chosification, concrétisée par une abstraction d’un réel réduit à sa projection sur une surface plane. Image illusoire de l’Arabe vidé de sa substance et érigé en spectacle de l’apparence. Ou bien celle d’une nature « dépaysante ».

Comme toute technique, celle du « réalisme » est soumise à la loi du changement, de l’évolution dictée par les impératifs et l’obligation de l’adaptation aux réalités forcément nouvelles. Cette technique, marquée, malgré elle, par l’histoire, se voit obligée un jour de reconnaître qu’elle a vieilli et qu’il est temps de céder la place à des techniques plus récentes, plus efficaces, plus à même de répondre au goût du consommateur avide de nouveauté et de progrès. La vision positiviste, on le sait, perçoit l’évolution et l’auto-transformation, non pas comme une contradiction assumée, nécessaire à la continuation de la vie par l’acceptation de la mort, mais plutôt comme une fatalité qu’il faut subir, comme on dit, par la force des choses. La nécessité, dans ce cas est toujours vécue comme une obligation. Non comme une nécessité intérieure.

Pour l’artiste arabe contemporain qui se laisse habiter par l’esthétique métaphysique et par la pratique mécaniste de la technique importée, l’arbitraire du choix entre la technique académique et celle de la peinture abstraite, n’est camouflé que par cette nécessité extérieure de l’adaptation au nouveau. La légitimation prend les apparences de l’explication scientifique et présente l’arbitraire comme relevant d’une volonté historique. En conséquence le désir esthétique et celui de savoir sont escamotés et remplacés par la jouissance de la consommation.

C’est pour cette raison que l’expression abstraite et ses « techniques internationales », considérées d’un point de vue formaliste, se voient réduites, souvent légitimement d’ailleurs, à des réactions « aux valeurs en cours du marché de la peinture ». BERQUE et, avec lui tous les nostalgiques de la technique réaliste, perçue en tant que recette, ont souvent exprimé ce jugement global et moralisant, à l’égard de la production dite « abstraite ».

La force de récupération du marché de l’art, étant telle et la réalité aliénée de la pratique picturale en terre arabe touchant la majorité de ceux qui s’y adonnent, permettent, il est vrai, des réductions de ce genre. Mais en même temps, ce jugement issu d’une démarche non scientifique, ignore ce qui peut lui apporter la contradiction, à savoir la présence d’artistes contemporains, occidentaux et arabes, tels KLEE et CHERQAOUI, qui désignent, par leur existence même, le fait que « le talent » n’est pas « justiciable de demain » et qu’il est possible de sortir de l’impasse, ici et maintenant, à condition de dépasser la conscience malheureuse.

Et à ce stade, KLEE et CHERQAOUI, peuvent se rencontrer à cause de leur différence et ce, malgré la ressemblance apparente de leurs techniques. Jadis les mystiques orientaux ont montré que les chemins de la connaissance sont multiples et contingents, mais la connaissance est universelle. Il n’y a que les religions et les Eglises qui se condamnent à l’opposition perpétuelle à l’autre et à soi. Les rencontres symboliques entre KLEE, CHERQAOUI, PICASSO et l’art musulman et africain, ne se pose pas en termes d’influences, ni d’échange entre les cultures, mais en termes de communication avec soi et d’enracinement dans des réalités matérielles toujours différentes et particulières.

Mais la majorité des peintres maghrébins et arabes, parmi ceux qui ont adopté les techniques internationales de l’art abstrait, par nécessité extérieure, en se maintenant dans cette relation chosifiante avec la pratique artistique, ne font que continuer, en fait, l’attitude de leurs aînés qui avaient agi de même envers la technique de représentation réaliste.

Car, l’essentiel ne réside pas dans le choix illusoire d’une telle ou telle autre technique ou forme d’expression. Il se situe au niveau des motivations qui sont à l’origine de ce choix et, surtout, à celui de l’attitude que l’on peut avoir à l’égard de ces instruments de travail, qui sont souvent importés. Une technique ou bien un instrument n’est pas nécessairement lié à un mode d’emploi définitif qui pourrait impliquer, quant à lui, une finalité déjà connue, et des « effets » déjà inscrits en vue d’obtenir une vision particulière déjà élaborée.

Les motivations peuvent varier, selon les lieux et les époques, mais l’attitude du créateur est toujours active et dialectique, à l’égard du matériau et de la technique. Et l’attitude passive, consommatrice de procédés et de recettes, équivaut, quand il s’agit d’art autonome comme la peinture de chevalet, à une absence d’attitude, c’est à dire à une mort de l’art, ou plutôt à sa négation.

Une toile tendue sur un châssis, une brosse, un tube de peinture peuvent servir à la fabrication d’un tableau de chevalet (qu’il soit figuratif ou abstrait)[16]. En tant qu’instruments utilisés dans une certaine technique, en vue d’obtenir un résultat connu d’avance (maîtrise technique se réduisant aux recettes d’écoles et d’ateliers) ils peuvent être, en tant que tels liés à la métaphysique et à son destin.

On peut également y voir des inventions historiquement solidaires de l’avènement de l’homme « positif », dominateur des autres hommes et de la nature, propre à une société où la spécialisation dans la division du travail, avait abouti à la perte de l’unité et à une certaine « autonomie de l’art ».

Les dimensions et la forme d’un châssis, la qualité d’une toile (lisse ou granulée), l’alchimie de la couleur à l’huile, ainsi que la nature des poils d’une brosse, et la manière de les disposer et de s’en servir, tous ces éléments qui participent apparemment de la technique (et qui pourraient prétendre à l’universalité) sont en fait en rapport organique et intime avec l’essence métaphysique du positivisme.

Grâce à ces moyens techniques, ces instruments objets, qui servent à la production d’autres objets (artistiques), le tableau acquiert ses qualités propres qui en font un support concret d’idéologie, une autonomie qui l’institue, en tant qu’oeuvre disponible à l’appropriation par l’achat, et lui accorde une valeur d’échange, qui l’emportera bientôt sur sa valeur d’usage, préparant ainsi, l’apparition du marché de l’art, qui accentuera cette assimilation de l’art à l’argent. Il en est ainsi pour ce couple, support léger et transportable que constitue le châssis qui tend la toile qui, à son tour l’enveloppe et en épouse la forme, pour mieux le cacher, ce couple qui fonde le tableau en tant qu’objet-meuble négociable.

Il en va de même de la forme, souvent rectangulaire de cette surface plane, destinée à être illusoirement creusée par la perspective et la transparence des couleurs à l’huile, pour mieux évoquer cette reconstruction abstraite du monde dans le cadre délimité de la fenêtre ouverte d’ALBERTI. Participe également de cette vision abstraite, la forme de la brosse, qui permet d’effacer les traces de son passage, et se nier en tant que travail matériel concret, renforçant, de la sorte, l’Idée, dans ses prétentions à la connaissance rationnelle du monde, en vue de le pratiquer, et faisant, par la même, allusion à l’intellectualisation élitiste du travail créateur et à la séparation entre théorie et pratique.

On pourrait continuer cette analyse, et montrer les liens étroits qui existent entre la philosophie du concept (formalisé), d’essence métaphysique et abstraite et la science positiviste d’un coté et de l’autre, l’application de cette dernière, en tant que pratique, dans le domaine des arts et des techniques en Occident.

Le point de fuite unique, autour duquel s’organise la totalité de l’espace figuré, désigne l’égocentrisme du Sujet qui, en tuant son dieu, s’est réduit, sans le savoir, à une abstraction. La ligne d’horizon, la hiérarchie entre les différents plans qu’elle institue, témoignent d’une conception quantitative et dominatrice du temps et de l’espace, qui a aboli le moment concret du présent.

L’assimilation de l’art à la technique, entraîne inéluctablement son idéologisation. Car, une fois son statut aligné sur celui de la technique, l’art en tant que pratique importée, érigée comme modèle, va colporter avec lui un certain « rapport de l’homme à ses semblables, à lui même et à la nature, un rapport de l’homme à l’Etre »[17]. Ce rapport, quand il s’agit, comme c’est le cas ici, du positivisme, allié à la métaphysique, se caractérise par le non-être, la rupture avec le Dehors, la démission passive et fataliste de l’homme face à son destin.

Si les conséquences de cette séparation entre forme ou technique d’expression et contenu, amène les peintres arabes « figuratifs » à retrouver fatalement le contenu objectif, qui est déjà celui de la peinture coloniale, la rencontre de l’expression abstraite, va leur poser des problèmes, qui de par la nature de ce mode d’expression, vont montrer les limites de l’approche formaliste.

En effet, tant que durait la référence à la peinture figurative, il était possible de distinguer entre forme et contenu, et continuer, de la sorte, à croire à l’authenticité du « message » véhiculé par la technique importée. Par contre, l’abolition de l’espace illusoire classique et la négation apparente de tout contenu figuré, dans la peinture dite « abstraite », va provoquer tout d’abord son rejet en tant que produit d’importation. C’est là la principale accusation, émise par les critiques formalistes, à l’égard de la production des premiers peintres maghrébins et arabes qui avaient adopté l’expression abstraite.

Ce qui transparaît, à travers les écrits de l’époque qui alimentaient la polémique à laquelle BERQUE a fait allusion, c’est surtout une incapacité méthodologique à saisir la nature du problème qui se posait à la pratique picturale maghrébine. Cette incapacité se retrouvait (et se retrouve encore), aussi bien dans les critiques qui se proposaient de défendre l’abstraction que dans celles qui la dénigraient. Mais cette situation n’est pas particulière à la critique arabe. Elle se retrouve également, au niveau de toute la critique occidentale. C’est, en fait, cette dernière qui est à l’origine même de l’interprétation en termes d’abstrait d’une pratique qui se voulait essentiellement concrète[18].

Il serait assez intéressant,à ce propos, de rappeler que, lors de son apparition, la peinture dite abstraite a été qualifiée, en Europe même, « d’étrangère et d’apanage des tyrannies,(allusion aux « despotismes orientaux » ?) contrairement à l’art humaniste anthropomorphe de la Grèce, de Rome, de l’Europe et spécialement de la France, qui exprime l’idéal des peuples libres ».

Cette incapacité, propre au discours sur l’art positiviste métaphysique, de saisir la création artistique qui se manifeste dans la peinture abstraite(assumée), peut s’expliquer par le fait qu’en exhibant ce qui, jusqu’ici, était relégué au second plan, c’est à dire ce qui désignait l’art en tant que travail concret (composition, matière, construction ou déconstruction de l’espace), la pratique artistique se situait désormais dans un champ esthétique qui s’opposait à la dichotomie théorie-pratique, forme-contenu, technique-message, représentant-représenté, spectateur-spectacle et surtout Sujet-Objet. En opérant pareil glissement, l’art remettait en question les fondements mêmes du discours occidental qui, depuis la Renaissance, expliquait le monde à travers la théorie du Sujet.

Devant cette pratique autre, la théorie métaphysique ne désarmait pas. Elle décrétait que l’art était devenu sa propre fin (en tant que technique) ou bien que l’expression artistique a atteint le stade de l’esprit absolu, ou bien encore que l’artiste exprime, à présent, ses sensations les plus intimes. D’où toute une littérature qui s’attache, jusqu’à présent, à traduire,  en termes d’analogie, l’état psychologique des artistes, à travers les formes des tâches colorées qu’ils élaborent sur la surface de la toile.

Face à cette crise du sens, qui déroutait l’approche habituelle des peintres arabes et des critiques qui les soutenaient (après avoir adopté, comme nous l’avons déjà signalé, la peinture abstraite, par nécessité extérieure) s’étaient rabattus sur une argumentation aussi gratuite que formaliste.

La légitimation de cette adoption passait par la filiation apparente entre l’art musulman qualifié d’abstrait et la peinture contemporaine occidentale. Et du coup, en plaçant la question sous cet angle de vue, ils donnaient à l’approche formaliste son application la plus achevée et la plus trompeuse. Les contradictions flagrantes, qui jusqu’ici donnaient mauvaise conscience, aux adeptes d’une technique « étrangère » disqualifiée dans son propre pays d’origine, avaient trouvé leur conciliation heureuse avec eux mêmes dans cette modernité que l’on découvrait à la peinture islamique.

Mais la pratique artistique, telle qu’elle se dégage de cette démarche conciliatrice, demeure toujours assimilée à la technique technicienne. Et l’on se rend compte, facilement, des limites de l’approche formaliste, au moment même où elle semble permettre aux artistes maghrébins et arabes de dépasser le déchirement qu’ils ont toujours ressenti, depuis l’instant où, dépassant la pratique naïve et « innocente », ils ont commencé à réfléchir sur les implications sociales et historiques de leur pratique. Une pratique d’origine étrangère, mais qui les instaure en tant que peintres, au sein d’une société dont la majorité des membres ignore encore la signification de ce mot.

Car, que signifie au juste le slogan qui consiste à définir le but de son activité, comme étant une « actualisation » du patrimoine, ou bien sa « modernisation » ? Il suffit de rappeler que l’actualité dont on parle se fait par référence à l’histoire contemporaine de l’art qui se fait ailleurs; et que le terme modernité n’est en fait que le support idéologique sous lequel on essaie de camoufler la réalité des rapports à travers lesquels l’homme occidental ne cesse de dominer le monde.

Toujours, par ce renversement des valeurs, propre à la pensée métaphysique, la pratique artistique contemporaine, libératrice et critique à l’égard de l’idéologie dominante, se voit, une fois passée par l’appareil de récupération, aseptisée par son séjour dans les musées d’art, vulgarisée dans les revues spécialisées du marché de la peinture, réduite à ne plus être qu’une technique parmi d’autres, destinée à l’exportation, dans le cadre des programmes d’aide au développement culturel, dans le but de permettre aux sociétés retardataires d’accéder au vingtième siècle.

Et encore une fois, nous nous retrouvons face à cette nudité franche de la logique du colon qui écrivait il y a cinquante ans: « Nous avons apporté avec nous un art de voir et dire, il faut l’appliquer à la terre étrangère à notre sang » (BARRUCAND).

On voit, dès lors, où mènent toutes ces considérations de BERQUE sur 1′ « apprentissage des techniques internationales ». Elles consistent essentiellement à maintenir l’idée de la nécessité de la reprise des procédés connus et répertoriés depuis longtemps. Elles cautionnent et propagent une démarche qui aboutit à l’impasse et au déchirement et à la condamnation de l’artiste arabe à rester halluciné par le mirage, celui qui lui fait croire qu’il est en train de rattraper le moment historique de l’autre. En somme à continuer à s’adonner à une activité qui, sous couvert « d’éveil historique » et de réponse « aux sollicitations du visible », ne fait que maintenir cet état d’absence à l’histoire.

L’hypothèse formaliste d’une technique neutre et transmissible, contient déjà, comme on le voit, des implications graves de conséquences, quant au contenu qui sera véhiculé par cette technique d’emprunt non objectivée. Ce contenu sera marqué fatalement par le non authentique, ainsi que par la réduction de la création artistique et de l’histoire à l’affirmation passive de l’idéologie dominante.

Comment se fait-il alors que, parmi les peintres arabes, rares sont ceux qui arrivent à dépasser la vision berquienne de leur activité ?

En réponse à cette question, il suffit de rappeler que l’acte fondateur de leur action, apparemment « progressiste », symbolisé dans cette recherche, par celui de Yahia TURKI, peignant la Médina de Tunis, est idéologique et non historique. Le propre de la pensée positiviste, qui sert de légitimation à cet acte, ne serait-il pas de trouver le point de fuite par où le regard absent d’un Homme arabe abstrait se projette dans une Histoire future et passée, perçue dans son horizontalité ?

Et quand on s’exclut de l’histoire concrète, pour dominer en spectateur, le monde qui s’étale sous les yeux, on ne se gêne plus des illusions d’optique. Mais le regard fixe est signe de mort certaine, ou bien d’une absence à soi et au monde. Le regard de l’homme aliéné.

C’est peut-être cela « la récupération du regard qu’exige le visible » dont BERQUE parle si souvent[19].

[1] « Il n’y avait pas plus de raisons que fît défaut une peinture arabe figurative, qu’une poésie bachique ou qu’une littérature d’attentat: or ces dernières foisonnent et ont surmonte’ allègrement l’opposition des dévots… . Mais du reste pourquoi sanctionner par des constats d’existence ou de carence la présomption que les genres seraient universels, alors que seuls le sont les appels auxquels ils répondent, et fort diversement, d’âge en âge et de société en société? » Jacques BERQUE: Langages arabes du présent, page 227, Editions Gallimard, Paris 1974.

[2] Jacques BERQUE: Langages arabes du présent, page 228, Editions Gallimard, Paris 1973

[3] Ibid. page 229.  « Reste à savoir, si l’autre dialectique que la peinture d’aujourd’hui substitue à celle-là, à savoir celle qu’elle instaure entre le geste de l’artiste redevenu sa propre fin et, dirons nous le monde (…) vaut mieux que la précédente ».

[4] BERQUE semble faire une distinction entre l’individualisme romantique qui serait, selon lui, à l’origine des recherches « abstraites » contemporaines, et l’élan communautaire, et ce, en opposant ces deux notions et en les supposant inconciliables, et même s’ils le seraient, selon la logique de son discours, l’harmonisation ne pourrait avoir lieu que par une addition de caractère métaphysique de l’une à l’autre. Alors que la démarche de l’artiste, est essentiellement dépassement de l’Ego et non son abolition. Ceci implique l’inversion des sens que suppose le qualificatif « romantique » au terme individualisme. Celui des artistes abstraits peut être alors considéré comme objectif, alors que celui de ceux qui se soucient d’avance d’élan communautaire et d’histoire relève d’une vision que l’on peut qualifier d’ égocentrique abstraie.

[5] En qualifiant la peinture contemporaine en Occident et ailleurs de « formelle ». BERQUE fait preuve de « formalisme ». Comme le dit Brecht, « c’est à des hallucinations que nous cédons quand nous voyons du formalisme partout ». Commentant cette phrase Frédéric EWEN écrit: « Les pires formalistes sont ceux là mêmes qui passent leur temps à le débusquer tout en vénèrant les vieilles formes de l’art. S’accrocher frénétiquement à ces formes désuètes, vouloir à tout prix s’en servir pour exprimer des thèmes nouveaux, n’est ce pas aussi du formalisme? » Frédéric EWEN: B. Brecht, sa vie son art et son temps, page 410, Edition Seuil Paris 1973.

[6] J. BERQUE: Langages arabes du présent, Pages 231-232.

[7] Evoquant « le manque de sincérité » de la peinture coloniale, BERQUE écrit:     «  Je trouve dans l’un des volumes du centenaire, celui que V. BARRUCAND consacre aux peintres orientalistes, l’exacte notation -encore qu’entourée de prudentes phraséologies, de ce manque à sentir ». Le Maghreb entre deux guerres », page 433, Editions du Seuil, Paris 1970.

[8] Jacques BERQUE; « Langages arabes du présent », pages 232-233. Ouvrage déjà cité.

[9] Dans les quotidiens de langues arabes et française de Tunis. 66-67-68.

[10] Mohamed AZIZA: Un ton nouveau, texte introductif figurant en première page du catalogue de l’exposition du « groupe des cinq ». Il s’agit de Juliette GARMADI, Néjib BELKHODJA, Naceur BEN CHEIKH, Nja MAHDAOUI et Pablo ROCHEGGIANI. Tunis Galerie Municipale des Arts, Décembre 1966. Mohamed AZIZA écrit notamment:L’art Abstrait nous apparaît comme l’art de la quintessence, l’étape actuelle de l’histoire de l’art, cet inépuisable chant des métamorphoses. On arrive à la promotion d’une existence autonome: celle de l’Art considéré comme un En Soi. »

[11] Texte introductif à l’exposition des « peintres Maghrébins ». Tunis printemps 1967. Il s’agissait d’un groupe de peintre qui s’état formé à Paris, soutenus par le critique Jean-Jacques LEVEQUE et composé de SEHILI, NACCACHE, BENANTEUR, EL BAZ et CHERQAOUI. Leur exposition, à Tunis, a eu lieu deux mois seulement après celles du groupe des cinq et d’un autre regroupement occasionnel de jeunes, non moins intéressants dont Lotfi LARNAOUT

[12] Mohamed AZIZA: Texte introductif de l’exposition des cinq peintres déjà cités.

[13] L’un des premiers peintres maghrébins à avoir opté pour une peinture abstraite d’inspiration islamique et traditionnelle. Sa majeure production date des années soixante. Il est mort en 1968, à Casablanca, à la suite d’une intervention chirurgicale, alors qu’il venait d’avoir un peu plus de trente ans.

[14] Nous citons, à l’encontre de l’hypothèse de cette filiation, Abdelkébir KHATIBI: « Le chemin métaphysique et historique de l’art est forcément différent à chaque fois (dans chaque cas). Paul Klee, arrive à l’abstrait à partir d’une longue élaboration figurative, et CHERQAOUI par un retour aux racines ». Qant à Edmond AMARAN EL MALEH, il écrit: « Ahmed CHERQAOUI a inscrit par son oeuvre la possibilité d’ouvrir d’autres voies. Si une vision mystique entoure d’une certaine lumière une perspective essentielle de sa peinture, il n’est pas pour autant rejeté hors du temps présent, hors du destin de la peinture moderne, marocaine… La peinture de Ahmed CHERQAOUI, textes de Edmond AMARAN EL MALEH, Abdelkébir KHATIBI et T. MARAINI. Editions SHOOF, Casablanca 1976.

[15] On pourrait faire une histoire et une sociologie des endroits pittoresques. Ils ne concernent d’ailleurs pas spécifiquement la peinture, comme oeuvre et comme représentation: la poésie, la littérature etc., s’en occupent. Ils relèvent de l’idéologie. René PASSERON: L’oeuvre picturale et les fonctions de l’apparence page I52 Ed. Vrin PARIS 1974.

[16] D’habitude on désigne par peinture de chevalet, l’art du tableau, tel qu’il a été pratiqué en Europe depuis l’avènement de la société bourgeoise. Ce terme signifie une certaine autonomie du tableau, une organisation de l’espace, basée sur la perspective, ce qui le fait désigner, par extension, toute peinture qui s’inscrit dans cette vision du monde propre à l’Occident depuis la Renaissance. Nous pensons que certaines caractéristiques essentielles de cette vision traditionnelle, se retrouvent toujours dans la peinture dite abstraite. En particulier la notion de tableau, en tant que meuble, la composition centrée qui fait de la toile un monde clos inscrit dans un cadre.

[17] KHATIBI (Abdelkebir): -« Le Maghreb comme horizon de pensée, in Les Temps Modernes, numéro 375 bis, page I8, 0ct77″.

[18] Waldemar GEORGE, dans son livre: L’art d’Occident en péril, cité par George MATHIEU dans son livre: Au-delà du tachisme, considère l’art abstrait comme un art étranger. Dans un numéro de la revue: Le Littéraire, il écrit: « Engagé sur la pente de l’abstrait, l’art français risque de perdre à la fois son originalité et le contrôle de l’art de l’Occident. Pour confectionner des jeux de construction des monstres ou des colosses, le monde peut se passer de nous ».

[19] BERQUE (Jacques): -Les Arabes d’hier à demain, p. 263.

2 réponses

  1. HEINEN jean claude
    | Répondre

    Bonjour Lofti
    Un petit bonjour de Montpellier ou je suis pour encore un moment avant de retourner en Afrique
    Je t’avais envoyé mon mail , mais je n’ai rien reçu ,je continue à peindre .
    Et toi que deviens tu depuis notre aventure commune au groupe des six
    Amitiés
    Jean Claude Heinen

    • Naceur Ben Cheikh
      | Répondre

      Cher ami je me souviens de l’atelier de la rue du Caire où nous nous sommes vus pour la première fois et où Belkhodja m’avait invité à l’atelier du groupe des six et tu étais entrain de peindre et Néjib nous avait présentés l’un à l’autre.Heureux donc d’apprendre de tes nouvelles.Pour ma part,j’étais membre du groupe des cinq qui comprenait aux côtés de Belkhodja,Mahdaoui Fabio, Juliette Garmadi et moi même.En 1968 j’avais commencé des études d’histoire de l’art à la Sorbonne tout en continuant mon activité de recherche en peinture.J’ai soutenu un doctorat en histoire de l’art (toujours à la Sorbonne) tout en assumant mes fonctions de prof d’histoire de l’art et d’esthétique à l’Ecole des Beaux Arts de Bab Saadoun.En 1995 j’étais chargé de la fondation de l’Ecole des Beaux arts de Sfax et après la fin de mon premier mandat de 4 ans j’étais nommé directeur de l’Ecole des Beaux Arts de Tunis.

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