Nomination de Habib Essid : Point de vue d’une lecture possible
À la différence des interprétations que je me permettrais de qualifier de superficiellement politicienne et peu politiques et qui placent la désignation par Nida Tounes de Habib Essid au poste de Chef du Gouvernement, dans le cadre d’une attitude de compromis implicite entre les deux plus grands partis du pays (en termes de représentation parlementaire) l’on peut supposer (et je suis pas dans le secret des dieux) que ce choix découle d’une attitude pragmatique qui tient compte de deux impératifs.
Le premier consiste à tenir compte de l’urgence qu’il y a à faire ce que l’on peut faire, au niveau national, pour que les moyens de l’Etat, en matière de Sécurité, soient à même de répondre, le plus efficacement possible, à la tâche qui leur est dévolue. Celle-ci consiste,aujourd’hui, à nettoyer le pays des différentes mines et bombes à retardement, laissées par les gouvernements comploteurs de la Troika et que le gouvernement Jomaa, n’avait pas,objectivement, les moyens de le faire comme il se doit. Son objectif principal était de mener à bon port, la période de transition, par l’organisation d’ élections libres et transparentes, malgré les lois viciées votées par une Constituante récalcitrante et peu disposée, dans les faits,à quitter le pouvoir, sans y être poussée.
Un premier ministre indépendant, dans un régime parlementaire mixte et ayant un Président de la République, issu de la majorité, ne peut être que l’exécutant de la politique du Parti au Pouvoir. En politique, les hommes, ayant un tant soi peu le sens de l’État qu’ils s’engagent à servir, sont toujours rivés à la mission qui leur est dévolue, ici et maintenant, indépendamment, des missions qu’ils ont eu à accomplir précédemment. Personne n’avait reproché à Hammadi Jbali d’avoir appelé à ses côtés Habib Essid , au moment où le partage du pouvoir, entre les chefs de l’Organisation de la Nahdha, devait livrer le Ministère de l’Intérieur aux mains de la branche sécuritaire,couverte par un discours lénifiant et parfois larmoyant de Ali Laarayedh que son accession au Premier Ministère avait révélé, comme étant capable de tout.
Aujourd’hui, dans le contexte d’un régime parlementaire fort et d’une constitution difficilement transgressable, le parti au pouvoir peut se permettre de désigner un Chef de Gouvernement (Premier Ministre) dont les qualifications et les services déjà rendus lui permettent de mener à bien le nettoyage , la réhabilitation et le bon fonctionnement de nos institutions sécuritaires. Le tout sous l’oeil avisé et vigilant, d’un homme d’expérience, en la personne d’un Président de la République du nom de Béji Caïd Essebsi.
Cette nomination de Habib Essid, ne peut donc que confirmer la volonté réelle du Chef de l’État de tenir ses engagements électoraux en la matière. Et ceux qui continuent à croire ou à espérer que Ennahdha a encore les moyens de faire de l’opposition par obstruction se trompent lourdement. Le lâchage de Ghanouchi des têtes brulées de son organisation, pour sauver, peut être la sienne, sera de plus en plus voyant.
Le second impératif qui semble sourdre de cette nomination d’un Chef de gouvernement indépendant, est celui de donner du temps au temps, et permettre au parti fort, mais néanmoins jeune (encore, en cours de formation) qu’est Nida Tounes, de ne pas se transformer en Parti de Pouvoir et de se prémunir contre le mal qui a fini par le passé, par réduire un Parti de Libération (Néo-Destour) en RCD.
Déjà, la décision de ne pas faire participer la majorité parlementaire relative, que constituent les députés de Nida Tounes, au pouvoir exécutif ne devrait pas être comprise comme une exclusion. Bien au contraire, c’est la garantie réelle que le Parti au pouvoir ne sera pas un Parti de Pouvoir dont les militants n’y sont que pour accéder un jour ou l’autre au pouvoir exécutif. Surtout avec la Constitution actuelle.
Le fait de ne pas prendre les réalités nouvelles issues d’une vraie révolution qui vient d’atteindre sa vitesse de croisière et de ne pas y croire assez, est peut-être à l’origine de certaines hésitations , qui donnent de l’espoir à ceux qui ne pensent la pratique de la politique qu’en termes de prise de pouvoir, pour prendre une place qui , désormais, n’est plus vacante.
Ceux qui penseraient s’en sortir en faisant de l’obstruction politicienne, auront des comptes à rendre, devant les électeurs, dans cinq ans, en principe, pour les législatives et les présidentielles et prochainement pour les municipales.
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