Ils veulent ériger des murs, alors bâtissons des ponts ! Par Lotfi Farhane

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Ils n’ont pas jeté des bouteilles à la mer, ils n’ont pas écrit au père Noel, ils n’ont pas attendu Godot, ils ont voté K. Saied et le vote est libre !
Une vénéneuse coïncidence nous plonge dans le désarroi de devoir départager Saied et El Karoui.

Quand, on observe le comportement des gens face au choix d’un candidat au second tour des présidentielles, on voit se former trois clans.
Les inconditionnels de Si Saied, en majorité des jeunes téméraires et au mode de pensée digital, qui voient en lui, alléluia, la manifestation divine, l’incarnation providentielle du juste, le saint sauveur, qui par sa simple apparition, l’ordre sera rétabli dans le pays et tout se mettra sur les rails. Tu as beau, pointer du doigt sa façon de s’esquiver habilement sur certaines questions cruciales comme les libertés individuelles sur lesquelles, on ne peut pas transiger, pour aller botter en touche et noyer le poisson par des explications vaporeuses et son habituelle logorrhée, leur expliquer qu’il faudrait prendre le temps de réfléchir murement, bien examiner son programme, voir ses accointances, sa proximité incongrue de l’extrême gauche comme des salafistes, se demander s’il n’est pas un cheval de Troie ? En a t-il conscience lui, qui s’est découvert subitement une âme de révolutionnaire ? Il y a assurément de quoi s’inquiéter, sur une potentielle défaillance de facultés de discernement chez lui ou pire encore, la présence d’un esprit calculateur aux intentions perfides !
Pure candeur ou vaste imposture ? Faisant fi de toutes ces interrogations, les adhérents à ce groupe sont bien décidés, formatés et rien ne pourra faire vaciller leurs certitudes, altérer leur ardeur et baisser leur surchauffe. Une attitude qui dénote une excessive et imprudente hardiesse. Une telle obstination qui frise le délire psychotique ou mystico-religieux n’est que l’expression de l’exécration que leur inspire cette vieille et crasseuse classe politique, vautrée depuis plusieurs années dans la fange, et dont uniquement leur ladrerie, les empêche de sentir cette gifle, cette injure !

El Karoui dont la détention provisoire a produit le contraire de l’effet escompté par les commanditaires de cette machination peu ingénieuse, voit au contraire, son clan s’étoffer au fil des jours. On lui reproche d’avoir corrompu matériellement les électeurs, probablement mais, c’est ce que font notoirement tous les autres grands partis sauf que lui, a agi en amont et a inscrit son action dans la durée. Il a été là où, l’État était défaillant, voire totalement absent et s’est démarqué des autres en ajoutant une touche cinématographique avec acteurs et décorum … Il a habilement exploité le filon du caritatif et la misère matérielle des petites gens comme d’autres, se drapant dans une pureté religieuse, ont exploité leur ignorance, leurs misères intellectuelle et affective.

Enfin, il y a les hésitants qui s’inscrivent dans la pure tradition pamphlétaire, ces « oui mais … » qui sont sceptiques sur le discours de Saied et aimeraient bien, sans être conquis, soutenir El Karoui, mais le matraquage ambiant, l’entourage, l’image peu glorieuse qu’on lui colle ainsi qu’à ses électeurs déclarés, les bloquent. Ils veulent agir dans l’anonymat et sont dans la gêne ressentie par un prêtre surpris à la sortie d’un sex shop ! Ils n’osent pas franchir allègrement le pas et ne se décideront qu’à la dernière minute …

Chaque chose en son temps même si je crois que la messe est dite !
Il y a plus urgent pour sauver ce qui peut encore l’être …
Les élections législatives seront décisives et ne commettons pas l’erreur de 2014, de l’alignement massif derrière feu Béji qui, une fois investi dans ses fonctions, s’est empressé de s’aligner totalement derrière Ennahdha et de désigner son rejeton comme son dauphin avec pour corollaire et dégât collatéral, l’apparition de Chahed avec ses déboires économiques et son attitude actuelle puérile et bougonne du môme à qui, on a confisqué son ballon …

L’heure est grave et face au discours de haine et de division qui se laisse entendre, la résurgence de groupuscules fascisants, sous couvert de révolutionnaires, aux projets faisant froid dans le dos et aux desseins macabres pour le pays avec des répliques sismiques envisageables chez nos voisins, il ne faut pas faire la fine bouche et ne plus penser à voter selon ses convictions intimes mais par nécessité et par dépit, pour faire barrage à cette marée noire pestilentielle qui pointe du nez.
Ils veulent ériger des murs alors bâtissons des ponts !
Faisons un imposant contrepoids en évitant les listes, faussement indépendantes et empoisonnées, fantoches ou folkloriques, les listes des partis qui ont exercé le pouvoir ou forniqué avec la confrérie ou encore, qui ont annoncé leur ralliement à Saied ; pour se déporter sur le reste : les vraies listes citoyennes ou celles des jeunes formations en tête dans les sondages d’intention de vote.
Moi-même, je vais écraser ma sensibilité de gauche de toujours et m’y appliquer.
Il n’y a pas lieu pour des tergiversations, il y a des craintes fondées, d’atteinte à notre modèle de société qui a tant fait notre particularité, notre rayonnement et notre richesse.
Il y a réellement péril en la demeure !

La tête bourdonnante du continuel glapissement de voix futiles et de ce concert assourdissant de jacasseries interminables, je déplore amèrement l’absence de nos philosophes, de nos grands esprits pour éclairer l’actualité de leur pensées intempestives, poser les bonnes questions, nous permettre de réfléchir sur ce que nous vivons aujourd’hui. Des pensées qui prennent une acuité exceptionnelle sur des questions fondamentales telles que, le futur du pays, les projets sociétaux, la violence et la fragilité de la démocratie, et loin des approches prosaïques assommantes, nous apporter une analyse de cette situation inédite, à plusieurs niveaux : philosophique, intellectuel, éthique, sociologique …

Pour autant, tout espoir n’est pas perdu car malgré ce ciel quelque peu assombri, la Tunisie reste un point lumineux dans les ténèbres et un ilot d’espoir dans le goulag du monde arabe.

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