Quel avenir politique pour la Nahdha? ou « Ghanouchi, Jbali, Laarayedh, Mourou et les autres ».

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Il est temps que l’on se rende compte que depuis le 23 Octobre 2011, nous sommes en  transition démocratique, période  au cours de laquelle le pouvoir en place doit apprendre à reconnaitre ses limites et à comprendre, dans la pratique, qu’exercer le pouvoir consiste d’abord à savoir se faire obéir. C’est à dire qu’un pouvoir n’est pas un bouton sur lequel on appuie pour donner des ordres, mais qu’il inclut également la décision d’obéir de celui qui va l’exécuter.

L’autre jour, dans un entretien, où il jouait à la confidence avec l’ignare et arrogant prédicateur égyptien Ghounim, Cheikh Mourou, l’avait dit, sans aller jusqu’au bout du raisonnement que je développe ici et que j’emprunte à la pensée politique « participationniste ». Le cheikh islamiste modéré, comme il se définit lui même, sur l’une de ses pages Facebook,  se contentait d’observer que la Nahdha a le pouvoir, mais qu’elle ne peut l’exercer, parce que la majorité de l’administration est composée de « laïcs » qui ne veulent pas lui obéir. En conséquence de quoi, il conseille de patienter et de miser sur un détournement possible de la génération à venir pour  rendre la Tunisie de Bourguiba plus obéissante, par sa conversion à l’Islamisme. Pour arriver à ses fins, en tant que nahdhaoui modéré, Cheikh Mourou compte sur l’Ecole et la Mosquée.

Observez bien que dans ses déclarations concernant la nécessité d’ « a-politiser » l’espace des mosquées, il n’exclut pas l’éducation civique et l’action formatrice de « bons citoyens »qui pourrait être prise en charge par les imams, mais aussi par les prédicateurs. Cheikh Mourou ne diffèrerait donc du salafiste Khadmi que par son réalisme politique qui l’oblige, non pas à consacrer dans la pensée politique, la séparation entre l’espace politique et celui des mosquées, mais à ruser en prétendant que l’on peut parler des rapports entre individus, au sein d’une même société, sans faire de politique. A moins qu’il  ne donne, à ses « cours d’éducation civique » qui se feront dans les mosquées, un caractère culturel symbolique et qu’ils  soient  pris en charge, non pas par des prédicateurs et des imams mais  par des créateurs et des  hommes de cultures musulmans dont l’adhésion à l’Islam se situerait, nécessairement, au-delà de ses différents dogmes.

Mais, ne parlons  pas « d’Utopie dans la réalité », à des hommes politiques qui  tout en étant au pouvoir voudraient continuer à se prendre pour des  hommes de religion. Car, c’est  bien  cette prudence  « politique » qui oblige   Mourou à ne pas aller jusqu’au bout de sa pensée et qui fait qu’il ose déclarer qu’il est un « laïc » sans expliquer pourquoi. Parce que au cas où il prendrait la peine de se l’expliquer et l’expliquer aux autres, il va finir par rejoindre quelque part l’Islam de Bourguiba et de l’Émir Abdelkader et se couper définitivement de ce qui le liait à Ghanouchi.

En continuant à confondre,  comme Ghanouchi l’a toujours fait, l’activité du penser avec celle des prises de position politique, sur le mode des fatwas, avec des arguments sophistes de circonstance, Mourou, qui me semble mieux outillé, intellectuellement,   que le fourbe opportuniste auquel il s’est associé pour fonder le MTI, n’a de chance de percer politiquement, qu’en se dégageant du mode de penser  « islamiste » et de se revendiquer de l’Islam et non de l’Islamisme. On ne réconcilie pas facilement l’Islam qui fait chanter, à la télévision, un cheikh enturbanné « l’Hymne à la Joie » de Schiller sur la musique du 4ème mouvent de la 9ème symphonie de Beethoven, avec la vocation de prédicateur « islamiste » fusse-il modéré. J’espère, en tous cas  que mes voisins de Kalaa  Kébira le lui ont fait   définitivement comprendre.

Le manque objectif de maturité politique dont font preuve les nahdhaouis au pouvoir, fait qu’il ne peuvent se permettre le risque de mettre Mourou, à la place de Khadmi, alors que par le manque d’imagination dont ce dernier fait  preuve, comme tout homme buté, il vient d’assener un coup sévère à la crédibilité du gouvernement dont il fait partie. Le responsable de la formation des imams prédicateurs  dans le cabinet du Ministre des Affaires Religieuses ne vient-il pas de crier sur la place publique comme un véritable nervis :« Mort à Sebsi, Ennemi d’Allah ! ».

D’ailleurs, la panique qui a saisi Ghanouchi, après les graves incidents de ces derniers jours, en dit long sur les raisons qui l’ont amené à se faire le défenseur de la constitution de Bourguiba et de l’Islam Tunisien et de condamner le Salafisme et par la même réhabiliter Mourou, quelques semaines, après que ce dernier s’est fait éconduire, sous la menace, à Kalaa Kébira, comme je viens de le rappeler plus haut..

Quant à Hamadi Jbali,  au lieu de continuer  à  louvoyer et  vouloir ménager tous ceux qui ont réussi à arracher, lors de négociations privées, chacun sa portion de pouvoir, parmi ses associés nahdhaouis, il aurait intérêt à assumer ses responsabilités et à méditer les propos de Béji Caid Essebsi quand il avait déclaré, quelques jours, après sa nomination, par M’bazaa au poste de Premier Ministre, que le pouvoir cela s’exerce, indépendamment du degré de légitimité dont il est issu.

Là où il se trouve, il devrait à mon sens, (et j’exerce en le disant mon droit d’observateur sans m’ériger en donneur de leçons), se permettre de prendre ses distances et de s’attaquer de front aux problèmes réels qui menacent son futur parti, avant même l’échéance de son congrès constitutif l’été prochain. Ce qui  nuit énormément, au pouvoir en place c’est le flagrant délit de népotisme éhonté dont il fait preuve, en acceptant de reconduire un ministre dont l’incompétence à la tête du Département des affaires Étrangères l’a transformé en objet de risée publique,  de laisser faire un fanatique à la tête  du Ministère des Affaires Religieuses  et  en refusant de comprendre  qu’en ramenant la télévision nationale à ce qu’elle était sous Ben Ali, il ne peut que discréditer cette dernière et priver l’État d’une instance de prévention contre les dérapages politiques possibles et dont aucun gouvernement , quel que soit le degré d élévation morale de ses membres, ne peut être à l’abri.

En annonçant comme priorité « présidentielle » personnelle entr’autres dossiers, celui de la Sécurité et de l’Enseignement Supérieur voudrait-il rappeler à Ali Laraydh, les limites de ses attributions et de ses initiatives  « d’homme d’Etat » comme le Journal de Omar Shabou l’a qualifié et à Moncef Ben Salem son incapacité flagrante à se hausser à la hauteur des  charges stratégiques qui incombent au titulaire du poste qui lui a été attribué, en compensation à ses souffrances endurées sous un régime qui n’est plus.

Comme je l’ai déjà écrit dans un article en Arabe, il n’y a d’avenir politique possible pour la Nahdha, dans un régime démocratique  que dans le dépassement de l’organisation clandestine  qui a porté ses hommes au pouvoir. C’est à dire dans la capacité du Chef du Gouvernement à s’identifier positivement et avec courage à ses fonctions et à se libérer  de son obédience à   un vieux chef historique, dont  le rôle qu’il joue et le népotisme dont il fait preuve nuisent énormément à la santé politique de la Tunisie, en cette période historique de transition démocratique.

3 réponses

  1. mongia magill
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    Votre article est reconfortant a tous ceux qui ont un certain niveau d’intelligence politique. J’ai ete un peu plus loin dans mes predictions des realites que nous vivons aujourd’hui pour alerter les electeurs aux regards malicieux que porte chacun des gagnant de pouvoir. La voie de leur invite – le diable egyptien – ses regards et ses grimaces refletent exactement ce que Ghannouchi aimerait bien nous montrer, sauf que par peur de se devoiler avant d’installer ses pions au parlement et au gouvernement, il se camoufle derriere un faux sourire: Wa Idha Raayta Niaba Edhiibi barizatan, fa la tadhonnana anna Edhiiba Yabtasimou. Dommage, nous temoignons un Tsunami religieux-politique dans notre pays, et nous restons bras croises parceque nous croyons en la vraie democracie, alors que ceux qui ont le volant sont entrain de nous depourvoir de toute Dignite! la premiere a etre revendiquee par les jeunes qui on mene la revolution et ceux qui ont sacrifie leur vie pour la Liberte! Vous avez la chance d’etre journaliste, vous pouvez diffuser votre point de vue – au moins pour les quelques jours qui viennent.. Faites, Continuez, ne lachez pas!

    • Ana
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      Darth Vador fait alle9geance.// 02h24 LeMonde.fr:L’ancien vice-pre9sident ame9ricain Dick Cheney, qui a l’habitude de ferrailler crnote Barack Obama e0 propos de sa politique en matie8re de se9curite9, lui a rendu hommage apre8s l’annonce de la mort de Ben Laden.Dick Cheney qui e9tait le vice-pre9sident de George W. Bush lors des attentats du 11-Septembre a souvent critique9 la politique de Barack Obama en matie8re de se9curite9 et sa volonte9 de fermer au plus vite la prison de Guatanamo. Le gouvernement me9rite tout e0 fait d’eatre reconnu pour le succe8s de cette ope9ration , a-t-il de9clare9 lundi 2 mai dans une interview e0 ABC News apre8s avoir salue9 l’action d’Obama et notamment son feu vert pour lancer le raid. Nous lui devons tous notre reconnaissance , a-t-il souligne9. //Pfff ! Je ne sais pas qui sera le candidat Re9publicain, mais la campagne 2012 va eatre tre8e8e8e8s dure pour lui

  2. […] papier à été publié par son auteur le 30 mars 2012 ,mais il est toujours […]

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