Entre la Kasbah et la Koubba : Une différence spatiale significative

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Parmi les mots nouveaux que la Révolution tunisienne a introduit dans le langage politique, il y a lieu de remarquer la signification particulière que l’on commence à donner à la Kasbah d’un côté et à la Koubba de l’autre. Pour la première, il s’agit d’un rassemblement –campement sur les lieux, que l’on organise Place de La Kasbah dont une partie est constituée par une petite esplanade ombragée et agrémentée d’un parterre fleurie et d’une fontaine, les deux de dimensions modestes, et sur laquelle ouvrent les portes du Premier Ministère et du Ministère des Finances.

Cette esplanade donne, par ailleurs, sur deux rues de la Médina dont une discrète, porte le nom de Dar El Jeld et permet l’accès à des quartiers d’habitation dans lesquelles se trouvaient les résidences des grands notables qui ont servi durant plusieurs siècles les dynasties successives qui ont pris Tunis pour capitale. La seconde rue,  qui porte le même nom que la place (Rue de la Kasbah) est, en fait, l’unique voie passante qui permet l’accès aux différents souks qui constituaient et constituent encore le lieu d’une activité économique dont le sens dépasse de loin la vocation commerciale de ces espaces d’échange, mais également de production.

Voilà, pour ce qui est de ce lieu mythique qu’est la Place de la Kasbah et dont l’appellation se décline, depuis la Révolution, en termes de « Rassemblement-campement » destiné à faire pression sur le pouvoir de transition, en vue de faire aboutir des revendications dont le caractère politique certain n’a, pour contenu que le souci permanent de « protéger la révolution, des différents complots que l’on trame contre elle, dans les couloirs discrets des ministères et des administrations. » En consacrant l’appellation « Kasbah » à la signification d’une manifestation à caractère politique, que l’on pourrait rééditer autant de fois que l’exige le « devoir sacré de protection de la Révolution », on transforme un « espace lieu », en « action dans le temps », à partir de laquelle, on ponctue les différents moments d’une Révolution dont on écrit l’Histoire sous forme de « Kasbah 1 », « Kasbah 2 et Kasbah 3.

Au passage, on fait oublier les caractéristiques particulières de cet espace concret et que j’ai tenu à rappeler précédemment, pour pouvoir dire à présent qu’on ne peut considérer la série de « Kasbah politiques » comme des manifestations pacifiques de libre expression que tout régime démocratique  se doit  de respecter et même  de protéger.

Occuper la Place de la Kasbah à Tunis, c’est, en fait, recourir à un véritable « forcing » qui consiste à « assiéger » les deux plus importantes administrations du pays (Premier Ministère et Ministère des Finances) et à étouffer l’activité économique de la Médina. Ce que le Gouvernement a l’air de ne plus laisser faire, ce n’est donc pas l’acte de manifester pacifiquement pour exercer son droit à la libre expression, mais le recours au « forcing » qui est nuisible à la liberté d’expression. Celle-ci ne peut se revendiquer comme un droit que dans la mesure où celui qui veut l’exercer reconnaisse ses limites.

Venons-en, à présent à la Koubba. Il s’agit d’un complexe sportif, proche d’un circuit de santé intégré dans un espace vert, où le dimanche on vient pratiquer son footing. Situé à mi chemin entre le Centre ville traditionnel et les nouveaux quartiers résidentiels, il s’apprête bien aux grands rassemblements, aussi bien sportifs que politiques. C’est en quelque sorte le « Gambetta » (du côté de Mohamed V) du nouveau Tunis d’après l’Indépendance. C’est donc tout naturellement que ceux qui se proposent d’exprimer leur soutien au gouvernement provisoire en ont fait un lieu de rendez vous, après le travail, en vue d’exercer leur droit à la libre expression politique, par les moyens pacifiques appropriés.

D’aucuns, parmi les collègues blogueurs, oublient cet aspect topographique de la libre expression politique et résument La Kasbah et la Koubba dans une opposition entre deux regroupements presque spontanées de citoyens de bords et d’intérêts différents qui expriment, en toute démocratie leurs points de vue respectifs. De la sorte que l’on passe sous silence, ces détails qui font la différence entre « la liberté d’expression », « la liberté de manifestation pacifique » et le « recours au forcing » qui consiste à prendre en otage, en les assiégeant, les gestionnaires de la transition pacifique vers une Tunisie que nous voulons tous la plus nouvelle possible.

Sans parler des autres types de forcing qui prennent les formes de grèves sauvages, ou bien de fermeture d’autoroute à la circulation par des manifestants qui prétendent agir pour protéger l’environnement contre les rejets toxiques d’une usine proche.

Entre les « Kasbawis » et les « Koubbawis », il n’y a pas seulement une différence d’opinion mais aussi une différence qualitative de pratique politique. Continuer à ignorer cette différence c’est cultiver un flou conceptuel qui ne peut que nuire à l’activité créatrice de nos jeunes révolutionnaires. Même si certains aurait tendance à croire, avec T.W.Adorno que le « Nouveau est toujours aveugle », je continue à penser que la lucidité et la vigilance critique sont nécessaires à celui qui veut faire accoucher la réalité d’aujourd’hui de son lendemain.

Un lendemain que l’on voudrait « autre ». Radicalement Autre.                                                                                             Naceur Ben Cheikh

8 réponses

  1. Micheline Girard
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    Entre les « Kasbajistes » et les « Koubbajistes » , chacun devrait rester vigilant à ne pas freiner les capacités d’une reprise possible de l’économie du pays, …et pas dans n’importe quelle conditions, il en va de l’avenir de la mise en place d’une démocratie laïque, telle que Bourguiba avait pu l’initier et qui doit être repenser à l’aune des conditions économiques et technologiques telles qu’elles sont « imposées  » de fait par leur fonctionnement global…là aussi il y a pour les pays dits du Tiers mondes des résistances à mobiliser. Il faut compter sur notre imagination, notre force de conviction et nos initiatives là on chacun est capable d’agir et de progresser avec les autres… la pensée en activité, pour chacun avec les autres (la jeunesse tunisienne en donne déjà un exemple! (je ne dis pas au pouvoir, cela suscite des confusions!).

    • Hayle
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      Very true! Makes a chgane to see someone spell it out like that. 🙂

  2. Micheline Girard
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    (Suite)
    La Tunisie doit compter sur elle même, pour créer sa dynamiquepolitique et économique… Je vois que les avoirs dispersés en Occident ne sont pas près de revenir vers les pays concernés où ils ont été spoliés à la sueur du travail des tunisiens… comme par hasard, on trouve beaucoup de difficultés et complexités à leur retour…pourtant la sortie du pays n’a pas semblé difficile, Ben Ali avaient des soutiens extérieurs pour cela et surtout pour leurs placements financiers et immobiliers?
    En attendant de pouvoir imposer ce droit au retour de tout ce qui a été spolié au pays, nous devons faire comme si nous ne comptions sur rien, tout en travaillant parallèlement à récupérer ces droits. Réinventons notre pays tous ensemble, avec notre jeunesse… respectons nos apports spécifique et soyons à l’écoute des uns des autres… ils nous faut être inventifs aussi pour la dynamique économique, les schémas de l’économie globales ne sont pas la seule vision possible!

  3. cybermagnetik
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      | Répondre

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    • Xexilia
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